Ils sont toujours plus de 3 000 "nettoyeurs" à se relayer sans cesse sur la centrale détruite de Fukushima. Deux ans après la catastrophe nucléaire, les polémiques n'en finissent pas sur les conditions de travail de ces liquidateurs qui, loin de s'améliorer, sont toujours plus alarmantes. Le 22 avril, l'Asia-Pacific Journal a publié une tribune de Sumi Hasegawa, chercheuse à l'université McGill de Montréal, qui met en évidence la pénibilité des taches confiées aux ouvriers de la centrale.
Cette lettre ouverte est adressée au premier ministre et au ministre de la santé japonais, ainsi qu'à la direction de Tepco. La compagnie d'électricité est mise en cause dans des reportages diffusés récemment au Japon et qui mettent en évidence la détérioration de la situation des employés de la centrale.
Ils reçoivent des doses de radioactivités très élevées. En trois mois, ils peuvent accumuler jusqu'à 50 mSv (millisievert). Mais c'est bien pire pour ceux qui sont embauchés pour ramasser les débris. En quelques jours, certains auraient reçu jusqu'à 100 mSv, le seuil limite en France pour cinq années consécutives. Beaucoup ne passent jamais de tests ou sont autorisés à continuer leur travail alors qu'ils ont dépassé les taux réglementaires. Face aux critiques qui s'accumulent depuis deux ans, la firme s'est décidée à réagir.
DES OUVRIERS SOUMIS À DES TAUX DE RADIOACTIVITÉ INQUIÉTANTS
Elle a transmis un sondage à ses ouvriers en novembre 2012, afin d'avoir une idée plus précise de leurs conditions de travail. Ils sont 3 186 à avoir répondu, mais ce questionnaire est loin de faire l'unanimité.
Dans un article publié dans le mensuel japonais Sekai, on apprend que certains ouvriers ont subi des pressions pour "ne rien écrire qui sorte de l'ordinaire". L'émission de radio "Hôdô suru rajio" affirme même que d'autres ont dû remplir le questionnaire devant leur patron ou qu'on l'a complété à leur place...
Malgré ces tentatives de dissimulations, les résultats sont alarmants. La moitié des travailleurs présents sur la centrale ne seraient pas employés légalement : la compagnie pour laquelle ils travaillent et celle qui verse leur salaire sont en fait différentes. Tepco profite de ce flou juridique et dément toute responsabilité dans la dégradation des conditions de travail et dans la baisse des salaires. Pour les dirigeants de la compagnie, "ces ouvriers sont engagés par des sous-traitants et nous n'avons donc pas connaissance de leur rémunération. Nous ne pouvons pas parler du fonctionnement des compagnies avec lesquelles nous n'avons pas de contrat".
Si le volume de travail a augmenté, les salaires, eux, ont baissé. Peu après la catastrophe, Tepco avait annoncé une baisse de 20 % des rémunérations et la suppression des primes de risque pour faire face aux coûts exorbitants de la catastrophe. Dans le sondage commandé par l'entreprise, 5 % des employés ont déclaré gagner moins de 837 yens de l'heure (un peu plus de 6 euros), une somme inférieure au salaire minimum en vigueur à Tokyo. La grande majorité aurait un salaire à peine supérieur pour des taches à hauts risques.
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Le Monde | • Mis à jour le